Les échelles de profondeur de transe hypnotique

Depuis le XIXème siècle, on tente de mieux comprendre l'état hypnotique, notamment à l'aide d'échelles de profondeur de transe. Petites rétrospectives de ces différentes échelles à travers le temps.
Sommaire
- Pourquoi mesurer le niveau de transe ?
- Indicateurs de l'état de transe
- Échelle de Liébeault (XIXème siècle)
- Échelle de DAVIS et HUSBAND (1931)
- Échelle de Standford
- Échelle du NGH
- Les 3 types de transe selon Rossi et Erickson
- Les 4 formes de transes selon Michaux
Pourquoi mesurer le niveau de transe ?
Le but principal est de rendre l'étude de l'hypnose plus scientifique. Idéalement, une échelle permet de sortir de la subjectivité des hypnotiseurs et des sujets et donc de constituer un savoir. Cela permet aussi :
- de déterminer où en est un sujet et donc de mieux l’accompagner
- d'étudier des profils et faire des statistiques (par âge, sexe, personnalité, etc)
- de faire des corrélations entre l’état et des modifications de perception ou de comportements
Indicateurs de l’état de transe
L’état de transe présente des caractères individuelles et peut être différent d’un jour à l’autre pour le même individu. De nombreux paramètres entre en jeu (fatigue, humeur, rapport avec le thérapeute...).
Néanmoins, il y a des indicateurs communément admis. En voiçi la liste :
- L’immobilité corporelle (sans suggestion, le corps est particulièrement immobile)
- Le ralentissement de la respiration et du rythme cardiaque
- Économie de mouvements (lent et parfois saccadé)
- Augmentation du temps de réaction
- Variation de couleurs sur le visage (rougeâtre ou pâle)
- L'aplatissement des muscles du visage et plus généralement une modification du tonus musculaire
- Regard fixe et variation du diamètre de la pupille
- Disparition ou augmentation de la salivation et de la déglutition
- Lenteur d’élocution et voix altérée
- Littéralisme : le sujet prend au pied de la lettre ce qu’on lui dit (peut-être lié à l’économie de mouvements)
- Comportement de réveil en sortie de transe : clignements d’yeux, frottement des yeux par exemple
Échelle de Liébeault (XIXème siècle)
À cette époque, cette mesure est déterminé par le niveau de rareté des suggestions. Il était présupposé une cohérence dans la réponse des sujets. Hors il est possible qu’un sujet est une hallucination sans pour autant valider certaines suggestions de degrés inférieurs. De plus, plus les scores obtenus dépendent du talent de l’hypnotiseur car les suggestions ne sont pas écrites et standardisées.
Classification de Liébault | Normes (rareté) | |||
Échelle en 6 degrés | 1886 | |||
Sommeil léger | 1 | Torpeur
Assoupissement Pesanteur de la tête Difficulté à soulever les paupières Perte de l’initiative |
6,06% | |
2 | Commencement de catalepsie suggestive (0\. lève le bras en l’air, l’y maintient quelques secondes; le bras continue à rester dans la situation où 0\. l’a mis.)
Les sujets peuvent cependant modifier l’attitude de leurs membres si on les défient. |
17,48% | ||
3 | Engourdissement
Catalepsie Aptitude à exécuter des mouvements automatiques ; le sujet n’a plus assez de volonté pour interrompre l’automatisme rotatoire suggéré |
35,89% | ||
4 | Catalepsie
Automatisme rotatoire Attention limitée à l’hypnotiseur (ne peuvent prêter attention à ce qui vient de l’extérieur) Souvenirs au réveil limités à ce qui s’est passé entre l’hypnotiseur et le sujet |
7,22% | ||
Sommeil profond ou somnambulique | 5 | Amnésie complète au réveil
Hallucinabilité pendant le sommeil Disparition des hallucinations au réveil |
24,94% | |
6 | Amnésie au réveil
Hallucinabilité hypnotique et post-hypnotique |
4,66% |
Échelle de DAVIS et HUSBAND (1931)
Cette échelle est critiquée par son manque de critères explicites pour savoir si une suggestion est réussie ou pas. Elle a néanmoins été utilisée jusqu’à la moitié du XXème siècle.
Source : Chertok, 1972
Profondeur | Degrés | Symptôme |
Réfractaire | 0 | |
Hypnoïde | 1
2 3 4 5 |
Relaxation
Battement des paupières Fermeture des yeux Relaxation physique complète |
Transe légère | 6
7 10 11 |
Catalepsie oculaire
Catalepsie des membres Catalepsie rigide Anesthésie (main gantée) |
Transe moyenne | 13
15 17 18 20 |
Amnésie partielle
Anesthésie post-hypnotique Changements de personnalité Simples suggestions post-hypnotiques Illusions kinesthésiques, amnésie totale |
Transe profonde
(somnambulisme) |
21
23 25 26 27 28 29 30 |
Capacité d’ouvrir les yeux sans modifier la
transe Suggestions post-hypnotiques fantaisistes Somnambulisme complet Hallucinations visuelles positives post-hypnotiques Hallucinations auditives positives post-hypnotiques Amnésies post-hypnotiques systématisées Hallucinations auditives négatives Hallucinations visuelles négatives, Hyperesthésies |
Échelle de Standford (Stanford Hypnotic Susceptibility Scales)
Cette échelle est une évolution de l’échelle de Friendlander-Sarbin Scale par Weitzenhoffer & Hilgard. Elle est beaucoup plus satisfaisante d’un point de vue normatif. Les suggestions sont écrites et les comportements de l’hypnotiseur et du sujet bien déterminés. Ici la réussite d’une suggestion doit succéder à la réussite des suggestions des niveaux inférieurs.
Forme A.
Item | Critère de succès | Score (+/-) |
1\. Oscillation posturale | Chute spontanée | |
2\. Fermeture des yeux | Yeux fermés spontanément | |
3\. Abaissement de la main (gauche) | Abaissement d’au moins 20 centimètres en 10 secondes | |
4\. Immobilisation du bras (droit) | Le bras se lève de moins de 3 centimètres en 10 secondes | |
5\. Blocage des doigts | Séparation incomplète des doigts à la fin des 10 secondes | |
6\. Rigidité du bras (gauche) | Bras plié de moins de 5 centimètres en 10 secondes | |
7\. Rapprochement des mains | Mains à moins de 20 centimètres après 10 secondes | |
8\. Inhibition verbale (nom) | Nom non dit dans les 10 secondes | |
9\. Hallucination (mouche) | Tout mouvement, grimace ou reconnaissance de l’effet | |
10\. Catalepsie des yeux | Les yeux restent fermés à la fin des 10 secondes | |
11\. Suggestion post-hypnotique (changement de siège) | Toute réponse motrice partielle | |
12\. Amnésie | Trois ou moins de trois items remémorés (à côter avec la feuille d’interrogatoire) | |
Total des scores |
Échelle du NGH (National Guild of Hypnotists)
Cette échelle est une échelle de profondeur de transe et elle se veut pratique et simple. Le but n’est pas de normaliser et de faire des statistiques. Elle permet juste de tester facilement en séance le niveau de transe par rapport à l’application souhaitée.
Catégorie | Test | Applications |
1\. Hypnoïde | Catalepsie des yeux | Arrêter de fumer, perdre du poids |
2\. Catalepsie mineure | Catalepsie du bras | |
3\. Catalepsie totale | L’amnésie sélective | Psychothérapie, spectacle |
4\. Amnésie totale | Analgésie | Dentisterie |
5\. Somnambulisme | Hallucinations positives | Accouchement |
6\. Somnambulisme profond | Hallucinations négatives | Chirurgie légère |
7\. L’état Esdaile | État catatonique | Chirurgie légère |
8\. L’état Abysse (Sichort) | Hyper relaxation | Guérison de 6 à 10 fois plus rapide |
9\. L’état Expansion (Height) | Hyper relaxation | Accès à la super conscience |
Les 3 types de transe selon Rossi et Erickson
Parler de profondeur de transe n’est qu’une métaphore, elle peut être complétée par la notion de type de transe.
Rossi : “Il semble y avoir au minimum trois type de transe thérapeutiquement utilisables : (1) le type de transe caractérisé par une absorption en soi-même [...] où les patients sont tellement absorbés par l’exploration de soi qu’ils semblent oublier l’existence du thérapeute; (2) la transe conforme à la conception la plus habituelle, dans laquelle les patients établissent très fortement un rapport avec le thérapeute et répondent aux suggestions; et (3) le somnambulisme, au cours duquel les yeux des patients peuvent être ouverts et où ils peuvent parler et agir comme s’ils étaient éveillés, tout en répondant hypnotiquement aux suggestions du thérapeute.”
Erickson : “En pratique vous avez toutes sorte de mélanges entre ces types, mais ils constitueraient des extrêmes entre lesquels un travail utile peut être fait.”
Source : Erickson et Rossi, 1979
Les 4 formes de transes selon Michaux
Des recherches expérimentales menées par Didier Michaux confirme l’idée que différent types de transe hypnotique existe (Chertok, 1984). Il distinque 4 formes de comportement hypnotique bien distinct.
- La forme somnambulique : modification de l’état de conscience d’apparence proche du sommeil avec une activité de type éveillé
- La forme pseudo-léthargique : caractérisée par “la modification de l’état de conscience” et “l’apparition d’une grande passivité venant limiter la suggestibilité du sujet”
- La forme cataleptique : Elle se caractérise par “l’inhibition des capacités d’expression verbale (mutisme)”, “la modification de l’état de conscience” et le “”maintien du tonus musculaire”
- La forme de léthargie-réveil : “forme paradoxale, caractérisée simultanément par un affaissement du tonus moteur du type sommeil et par le maintien d’un fort niveau d’activité de la conscience du type veille”
Source : Michaux (dans Chertok, 1984)
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